copyright DARGAUD - PORCEL / MORVAN 2003
REALITY SHOW, dessin PORCEL, scénario MORVAN, couleurs HUBERT Editions Dargaud, collection Fictions, 4 tomes, 2003- 1er cycle -tome 1 à 3 : Barcelone, dans quelques années, disons bientôt. L'entreprise MEDIACOP s'est imposé sur le marché gigantesque de la téléralité (quoique la télé ait été remplacée par des casques individuels de connexion) grâce à son programme phare : les interventions musclées du valeureux capitaire Barron, véritable héros pour des millions d'accros du show. Bien sûr, tout est soigneusement orchestré : l'enchaînement des actions, les dialogues, l'intervention des experts... Mais l'intérêt réside dans le fait que Norman K. Barron, ex-flic, affronte des criminels bien réels. Le show connaît un tel succès que le rôle de la police (la vrai) en est réduit à une simple présence, en observatrice en quelque sorte. Le commissaire Del Rinçon, ex-meilleur pote de Barron, en conçoit quelque amertume, mais peu importe puisque le public approuve. Seulement un jour, l'intervention dérape. Loin d'arrêter son adversaire, Barron voit mourir sous ses yeux son co-équipier. Le lieu du crime est une véritable boucherie. Au milieu des cadavres atrocement déchiquetés, on trouve une mutilation étrange, en forme de triangle. Bientôt , cette scène se renouvelle, sans que l'on puisse récolter le moindre indice sur le tueur, baptisé le triangle rouge. Pour les producteurs de l'émission, pragmatiques, cela n'est pas mauvais. Avec le suspense, l'audience monte, d'autant qu'il a fallu remplacer le coéquipier de Norman. Pour cela, on a choisi une jeune fliquette intrépide et futée, Oshii Feal. Mais Oshii n'entend se laisser réduire à un rôle de faire valoir. Sensible et intelligente, la jeune fille tente de concilier sa soif de justice avec les contraintes cyniques du show. Quant au mystérieux sérial-killer, lui non plus n'a pas dit son dernier mot... 2ème cycle -tome 4 à ... : A Grenade, un maire musulman vient d'être élu. Modéré et démocrate, il a été élu avec les voix de tout ceux qui ne mélangent pas religion et politique. Mais parmi les autres, la paranoïa s'installe: ne serait-ce pas un cheval de Troie destiné à donner le pouvoir ensuite à des musulmans beaucoup plus dangereux ? Parmi les intégristes catholiques, certains franchissent le pas et commettent des attentats dans les mosquées. Comme cela ne suffit apparemment pas, ils enlèvent la fille du maire. Partie seule "en vacances" à Grenade, en réalité pour retrouver sa famille, Oshii va assister au massacre... Elle ignore que la technologie volée au triangle rouge permet à son boss et à un petit comité de régulation de l'audiovisuel de connaître ses pensées les plus intimes, et de partager toutes ses émotions. ************************************* Les auteurs ont choisi un futur très proche, où les différences avec notre société actuelle paraissent tout à fait naturelles. C'est surtout le cas pour les robots, omniprésents, conçus selon les trois lois de la robotique d'Isaac Asimov -qui leur interdissent de porter atteinte, activement ou passivement, à un être humain- avec une exigence supplémentaire : interdiction de ressembler à leurs créateurs. Les robots sont partout, et pourtant on les oublie totalement au fil des pages. Evidemment, l'un des intérêts de cette série réside dans le regard porté par les auteurs sur le phénomène télé-réalité, qui, loin d'être une mode, risque de marquer une évolution des moeurs dans nos sociétés "désoeuvrées". Les coulisses de l'émission occupent autant de pages que le show lui-même. Chaque personnage, principal ou secondaire, a ainsi un double visage, celui qu'il offre au public, et celui qui apparaît lorsque les caméras s'éteignent et que les masques tombent. Le scénariste s'en donne à coeur joie pour utiliser l'ambiguité des relations, telles celles de la femme de Barron, amoureuse en direct-live qui l'a en réalité plaqué depuis 7 ans et ne supporte plus cette farce cruelle. Pour autant, on ne tombe pas dans un dualisme primaire, et les héros-acteurs jouent sur la gamme de leur personnalité réelle. Dans ce contexte, deux personnes ne jouent pas : la jeune Oshii et le mystérieux tueur. Chacun d'entre eux poursuit sa route, conscient des faux éclairages et de la mise en scène de ses actions, mais lucide et déterminé à atteindre chacun leur but. Pour la première, c'est simple, il suffit d'empêcher le second de nuire. Seulement voilà, le second, lui, pourrait bien avoir besoin de la première, sans chercher à lui nuire... Et c'est bien dans ce duel inédit que réside la force de la série. Le duo est renforcé par un Barron tout en nuance malgré ses muscles, et par de bons seconds rôles; ces personnages ont tous un peu oublié leur humanité : le producteur par son cynisme, l'ex-meilleur pote de Barron par sa passivité désabusée, l'ex-meilleure copine d'Oshii par son voyeurisme de spectatrice accro; on croisera aussi un prêtre lumineux de bonté, qui a choisi de vivre sa foi jusqu'au bout. A côté d'eux, les deux adversaires paraissent parfois les plus humains. Mais sans doute est-ce précisément là que résident les véritables motivations du mystérieux tueur... Le second cycle aborde, toujours en nuance, le thème du mélange dramatique entre confession religieuse et prise du pouvoir politique, et ce, avec un angle d'attaque original -le musulman modéré doit être déboulonné par les terroristes cahtoliques-. En savoir plus sur les auteurs : |