© DUPUIS / CONRAD 1990

Le piege malais, scénario et dessin CONRAD

Editions DUPUIS, collection Aire Libre, 2 tomes, 1990-91

"A la fin du XIXème siècle, l'empire britannique s'annexe la plupart des richesses des Indes et envoie en échange une armée de colons : la lie du Royaume-Uni". Dans ce pays aux conditions de vie pénibles pour "l'aristocratie" british, le romantisme est une façade, les bonnes moeurs une vaste hypocrisie. Les anglais exploitent les indigènes, achètent pour une nuit les femmes indiennes, et prétendent civiliser ces sauvages.

Ernest, un jeune français rouquin, a fui le carcan familial et la vie toute prête qui l'attendait. En orient, il ne sait pas trop ce qu'il cherche, mais espère toujours le trouver. En attendant, il survit en volant de la nourriture. Un jour, dans sa fuite, il tombe sur Karl, un immonde pirate terrorisé par l'emprise qu'exerce sur lui une statuette de jade. Ernest prétend pouvoir l'en délivrer. Karl le sanguinaire est prêt à tout pour se libérer de la folie qui le ronge, il emmène le jeune homme avec lui. Mais la mousson bloque le bâteau dans un village. Tous les transports sont stoppés, toute fuite est impossible.

Pendant que Karl perd lentement la raison, Ernest aide Kaliani, une jolie prostituée, à échapper pour un temps à sa maquerelle. Prisonniers du village, les deux jeunes gens ne pensent qu'à manger et à s'aimer. Kaliani a peur des esprits qui se sont emparés de Karl et ont choisi en Ernest leur prochaine victime, elle s'applique à les éloigner. Quant à Ernest, il ne croit pas aux esprits, mais c'est la fatalité de sa compagne qu'il va combattre pour lui offrir la seule chose qui lui reste, ô combien rare et précieuse : l'espoir...

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Voilà deux albums qui vous remuent ! Touchants, ils le sont, mais pas seulement. A travers ce petit bijou très personnel, Conrad a su traduire la violence et la beauté du climat de l'Inde, la violence et la beauté de l'âme humaine. Il dessine merveilleusement les ciels d'orage. Ses dialogues sont percutants. Seul regret, quelques planches où le texte prend vraiment trop de place. Les dessins sont pourtant tellement bien faits qu'ils parlent d'eux même.

Et l'histoire est de celles qui méritent plusieurs lectures. Ne vous fiez pas à la pureté du trait, il n'y a rien de simple là dedans, c'est du réalisme un rien désespéré. Le ton est sombre, malgré des couleurs chaudes. Les personnages semblent tous connaître les règles d'un jeu cruel où seuls les plus habiles survivent, personne n'est dupe (ou tout le monde l'est). Avec sa fraicheur et ses rêves, Ernest arrive là dedans comme un chien dans un jeu de quille. Même s'il perdait, en refusant son destin, il aurait gagné.

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Didier CONRAD