© PETILLON / ALBIN MICHEL / 2006
JACK PALMER, dessin et scénario PETILLON
Editions Albin Michel, 14 tomes parus depuis 1976, série en cours Jack PALMER est détective privé. On se demande bien pourquoi et comment, d'ailleurs, vu qu'il est indéniablement très nul. Pas doué avec un flingue, diplomate comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, discret comme un gros bouton sur le nez, et flottant dans un trench-coat taillé pour Schwarzenegger alors qu'il a plutôt le format nain de jardin. Son seul mérite, et ce n'est pas rien, c'est de provoquer de tels imbroglios qu'ils contraignent les parties en présence à se dévoiler et à s'expliquer. Du coup, les principaux acteurs, tenants et aboutissants de sujets réputés complexes sont mis en lumière, avec humour et ironie, sans oublier une bonne dose d'action ! Dans l'enquête corse, quand un soi-disant notaire le charge de remettre un pli à l'insaisissable Ange Léoni, c'est bien pour sa capacité à mettre les pieds dans le plat qu'il est recruté, en réalité. Débarqué en Corse comme on irait au Club Med, Jack Palmer va poser des questions dérangeantes, réveiller les conflits assoupis et, le temps de quelques enlèvements et règlements de comptes, débusquer Ange Léoni tout en trouvant la femme de sa vie. Hilarant, cet épisode a reçu de nombreux prix, bien mérités, et donné lieu à une adaptation ciné. Dans l'affaire du voile par contre, la cliente qui demande à Jack de retrouver sa fille disparue va regretter l'incorrigible maladresse du détective. Celui-ci se ballade dans les banlieues en montrant la photo d'une jeune fille blonde, et apprend bientôt qu'elle a pris le voile, rejoint une mosquée, puis une école coranique. Aidé par l'imam, musulman progressiste dont la mosquée est occupée par un groupe de fondamentaliste, Jack va apercevoir les nombreux visages de l'islam, tout en permettant à une jolie histoire d'amour entre deux jeunes gens de trouver un dénouement heureux. Mais quant à l'affaire initiale, le résultat sera moins brillant... Enquête au paradis (fiscal) aurait aussi pu s'intituler "panique au Bügenzell". Le Bürgenzell, paradis des banques et de la finance. On y dépose des sommes, gentiment, discrètement, et on vous y remet des reçus, gentiment, discrètement. "Pas de vagues" pourrait être la devise de ce charmant petit pays montagnard. Tout juste un évènement mondain de temps en temps, tel le prochain mariage du prince avec une roturière française. Mais notre brave Palmer, en enquêtant sur un divorce, va révéler l'activité financière de mafias (rivales, en plus), l'implication de la monarchie dans le blanchiment et quelques autres broutilles... Comme toujours , tous les personnages sont savoureux, la famille royale, la famille de la promise (des catholiques traditionnalistes, naïfs mais intègres). Mention spéciale pour le cabinet d'avocats, avec ses deux associés drôlissimes de lucidité et de sang-froid. *************************** Evacuons d'abord le défaut de la série : les premiers albums ne sont pas forcément les meilleurs, Pétillon se bonifie avec le temps, et le style de dessin reste trop sommaire à mon goût. J'aime trop, personnellement, les beaux dessins "ligne claire" typiques pour ne pas être désorientée. Quoique les trognes des personnages ne manquent pas de saveur, et il n'y a rien à redire côté décors. Néanmoins, on reconnaît une bonne BD au fait qu'on la lit volontiers malgré un dessin peu académique. Et c'est bien le cas ici. Car le gros atout de la série, c'est le travail de son auteur. Journaliste méticuleux, Pétillon se documente à fond, réfléchit, lit, enquête, réfléchit encore, et nous livre finalement sur le mode satirique une synthèse plus qu'honnête sur des sujets de sociétés et d'actualité toujours complexes et délicats à manipuler. Cela peut être le monde de la mode, le monde de l'illusion de façon générale, qui est celui dans lequel on vit. L'auteur ne manque jamais de souligner les motivations de groupes organisés, ainsi que tous les petits travers des humains que nous sommes, mais aussi nos bons côtés et finalement, quel que soit le problème, il n'y a pas de raisons de ne pas se montrer tolérants les uns envers les autres. Bref, il devient franchement agréable de se cultiver à propos de sujets tels que les natioanlistes corses, l'affaire du voile et les paradis fiscaux. A chaque fois, à travers cet anti-héros dont les réussites improbables sont autant dues à la chance qu'à l'appui de personnes efficaces, on a l'impression d'en apprendre un peu plus sur le monde qui nous entoure. Et il n'y a rien que j'aime autant qu'un bon moment de détente (BD, bouquin , télé ou ciné) qui laisse l'impression qu'on s'endormira un peu moins bête le soir. |